Combien de temps un Premier ministre peut-il contrevenir aux injonctions du Conseil d’État ?

Alors qu’une amende de 5 000 euros a été requise par le procureur lors du procès d’un Faucheur volontaire à Perpignan le 15 octobre ; le premier Ministre, lui, n’applique toujours pas la décision du Conseil d’État de février dernier, lui enjoignant d’interdire les variétés cultivées et commercialisées en France en infraction à la réglementation OGM. Cela concerne notamment toutes les variétés de colza Clearfield de BASF rendues tolérantes aux herbicides.

Le 4 novembre, soit 3 jours avant la fin de l’échéance fixée par le CE, l’Union Française des Semenciers (UFS) a « souhaité », par voix de presse, une « adaptation réglementaire » permettant de ne pas appliquer cette injonction. Après avoir refusé de publier avant le 7 août le décret exigé par le CE et destiné à identifier les techniques de mutagenèse pouvant être exemptées de ces obligations, le Premier ministre n’a pas non plus publié la liste des variétés de colza CL non exemptées. On peut légitimement se demander qui commande à Matignon : la loi votée par le Parlement et confirmée par le CE ou les multinationales semencières ?

L’UFS prétend que la Commission européenne bloquerait l’exécution des décisions du CE. La Commission a effectivement indiqué que, selon elle, ces décisions pourraient poser des problèmes de conformité à la législation européenne. Mais son opposition a pris fin le 9 novembre et elle ne l’a pas renouvelée[1]. L’UFS prétend ensuite que ces décisions mettraient en difficulté toute la chaîne alimentaire au prétexte de l’impossibilité d’identifier les produits issus de ces variétés venant de pays de l’Union européenne décidant de ne pas les appliquer. À l’heure de la segmentation des marchés, des test génétiques de masse, de la blockchain permettant à tout consommateur achetant des œufs de connaître le lieu et la date de naissance de la poule qui les a pondus, de l’interdiction d’importation de cerises traitées avec des pesticides interdits en France mais encore autorisés dans d’autres pays de l’Union européenne…, une telle affirmation est pour le moins surprenante. Sauf à faire preuve d’une mauvaise volonté délibérée pour ne pas appliquer la loi. Cette affirmation est d’autant plus surprenante que l’arrêt du CE n’est que l’exécution d’un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne qui s’impose à tous les pays de l’Union.

Pendant que le gouvernement et les semenciers jouent la montre, les colzas OGM illégalement cultivés et les herbicides associés à leur culture contaminent de manière irréversible les autres cultures, la biodiversité sauvage, les sols, l’eau et notre alimentation. L’île de Tasmanie vient ainsi d’indiquer que des repousses de colza OGM sont encore présentes sur son sol alors que les quelques expérimentations qui s’y sont déroulées sont stoppées depuis 20 ans !

Le gouvernement, qui va obtenir du Parlement[2] la suppression du Haut conseil des biotechnologies et donc l’affaiblissement de l’expertise et de la participation de la société civile, ne peut continuer ce travail de sape et s’exonérer ainsi de l’application des lois de la République, en pleine crise sanitaire, sécuritaire, économique et sociale qui monopolise l’attention des citoyen.nes.

La Confédération paysanne appelle donc le Premier ministre à exécuter immédiatement les injonctions du Conseil d’État.

 

[1] https://ec.europa.eu/growth/tools-databases/tris/fr/index.cfm/search/?trisaction=search.detail&year=2020&num=280&mLang=FR

[2] A l’issue de l’examen de la loi de programmation de la recherche, définitivement adoptée ce mardi par l’Assemblée nationale et ce vendredi par le Sénat.

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Pete Shield
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